Comment traduire "Breathtaking inanity" ?

Le juge Jones qui a rendu le verdict du jugement de Dover (voir un blog précédent) ne manie pas la langue de bois. Pour en juger voici une phrase extraite de la conclusion :

The breathtaking inanity of the Board's decision is evident when considered against the factual backdrop which has now been fully revealed through this trial.

Je traduirais "breathtaking inanity" par "ineptie vertigineuse" en français, pour donner une idée de la force de son propos. Ca fait plaisir de voir que le politiquement correct n'a pas corrompu tous les rouages de la société américaine. Je parie qu'on va voir cette expression réutilisée dans les semaines qui viennent, car après tout une bonne partie de ce que dit Georges W. Bush, qui a publiquement soutenu l'enseignement de l'Intelligent Design il y a quelques années, est aussi d'une ineptie vertigineuse...

DADVSI en photo

Voici un bon résumé du débat sur la loi DADVSI à l'Assemblée Nationale : la télé en direct retransmettant les débats, avec ici je crois Mr Christian PAUL, et Tux la mascotte Linux qui regarde comment il va être mangé...

(Photo (cc) François Schnell)

DADVSI : il faut retirer le projet de loi

Tous ceux qui ont suivi les débats la semaine dernière ont pu constater à quel point le projet de loi avait été mal préparé, mal rédigé tout en étant bien entendu qualifié d'urgent et devant passer avant Noël alors que la directive Européenne qu'il est censé transposer date de janvier 2001!!!

Hé oui on peut attendre quatre ans pour bacler une loi qui nous concerne tous, et peut brider l'accès du plus grand nombre à la créativité culturelle comme à l'innovation des logiciels libres, et essayer de la faire passer en urgence. La seule urgence est celle de la pression des lobbys de l'industrie musicale, mais à quelque chose malheur est bon, le Sony RootKit DRM nous a montré dans quel voie les dinosaures de l'industrie musicale voulaient nous entraîner et il ne tient qu'à nous de résister!

Le plus sage est donc de retirer ce projet de loi comme le demande EUCD.INFO, les députés socialistes Patrick Bloche et Christian Paul dans un communiqué de presse, et un certain nombre d'autres députés (notamment M. Bayrou (UDF), Mme. Billard (Les Verts), Mme Boutin (UMP), M. Brard (app. PCF), M. Carayon (UMP), M. Cazenave (UMP), M. Dutoit (PCF), M. Le Fur (UMP), Mme Marland-Militello (UMP), M. Suguenot (UMP), ...).

Soutenez cette initiative en écrivant à votre député et en soutenant ceux cités au paragraphes précédent par un email ou une carte postale (adresses sur le site de l'assemblée).

Intéressant jugement aux US

Les américains ont de ces coutumes pittoresques qui restent un peu archaïques à nos yeux, comme de laisser des lobby fondamentalistes chrétiens noyauter les organisations de contrôle des écoles et essayer de discréditer la théorie de l'évolution de Darwin. Et régulièrement les juges américains, qui semblent être la catégorie professionnelle où l'intégrité et l'esprit critique sont fortement sur-représentées, leur tape sur les doigts au nom du 1er amendement de la constitution sur la neutralité de l'état vis à vis des religions.

Cela vient de se reproduire dans le procès dit de Dover, où un groupe d'illuminés avait réussi à faire lire en classe avant les cours de biologie un disclaimer disant que la théorie de l'évolution n'était qu'une théorie (???) et qu'ils devraient s'intéresser à un hypothèse différente, appelée Intelligent Design, en les renvoyant sur un bouquin (car l'hypothèse en question n'était quand même pas suffisamment sérieuse pour être enseignée en classe).

Le résultat est intéressant : Intelligent Design n'est pas une science mais un argument théologique, et à ce titre ne peut pas être promu par l'état. Et le juge a fait un effort pour clore une fois pour toute ces débats en reprenant tout l'historique et en éliminant un à un tous les arguments de la défense.

Ca vaut le coup d'être lu, d'autant plus qu'il y a quelques années George W. Bush s'est déclaré partisan de l'enseignement de l'Intelligent Design dans les écoles... Il n'en loupe pas une !

Le copinage fait rage au sein du microcosme politico-mediatique

Je suis effaré par cette séance de travail à l'assemblée qui se termine en queue de poisson par le groupe UMP assisté de l'UDF qui demande à revenir sur les votes de la séance précédente sur la licence globale optionnelle sous la pression des lobby.

Il est pathétique de voir Laurent Wauquiez qui s'est manifestement fait taper sur les doigts par l'UMP pour s'être abstenu lors du vote sur la licence globale, demander un groupe de travail pour revoir l'article 1. Il est pitoyable de voir Françoise de Panafieu justifier son inquiétude pour la création en France parce que Johnny et Patrick Bruel lui on téléphoné. Il est scandaleux de voir Thierry Mariani invoquer Roberto Alagna pour conclure que la licence globale veut tuer la création en France.

Heureusement qu'il y a Martine Billard (non inscrite) pour relever le niveau, et rappeler que pour les 10 stars qu'ils citent il y a des milliers d'artistes et d'auteurs en France qui sont beaucoup plus inquiets de la loi DADVSI que de la licence globale. Effectivement la licence globale ressemble a la législation sur le droit au prêt, avec une rémunération forfaitaire globale qui n'est pas indexée sur le traffic ou l'audience de chaque oeuvre.

Le travail de préparation et de rédaction de la loi ont été baclés. Il n'y a eu aucune concertation, aucun travail sérieux en commission, et du coup l'UMP a découvert quelques jours avants voir le jour de la première séance, le mouvement de rejet suscité par leur projet baclé. Du coup ils ont laissé quelques franc-tireurs intéressés par le sujet (comme Christine Boutin ou Laurent Wauqiez) représenter l'UMP alors que le groupe les désavoue le lendemain sous la pression des lobbys.

Suivez les débats

Vous pouvez suivre les débats en direct ici. Et lire les compte-rendus des débats ici.

J'ai vu en direct l'intervention de Patrick Bloche (PS) sur l'article 7 qui était excellente comme sa contribution à l'ensemble des débats. Je souligne au passage la qualité des interventions de Frédéric Dutoit (PC) et de Christine Boutin (UMP je crois) dans ces débats.

Même l'UDF semble se réveiller puisque même François Bayrou a fait une intervention intéressante sur l'article 7 et ses dangers.

Du goudron et des plumes pour les corrompus : Bernard Accoyer

Je suis partisan du retour à une vieille tradition du far-west : enduire de goudron et de plume les tricheurs. A ce titre les hommes politiques qui sont au service d'intérêts privés au lieu de privilégier l'intérêt général me semblent être des cibles idéales.

Le président du groupe UMP à l'Assemblée, Bernard Accoyer, a gagné l'insigne honneur d'être le premier à mériter le goudron et les plumes, en défendant, de façon assez pathétique, une opération d'influence de Virgin au sein même de l'Assemblée Nationale pendant la discussion de la loi DADVSI. Virgin donnait même aux députés à cette occasion une carte permettant de télécharger pour 9,9€ de contenu sur leur site.

Ce genre de pratiques est indéfendable, et qu'un élu ait perdu à ce point le sens de l'intégrité, du conflit d'intérêt, donne un aperçu de l'état pitoyable de notre monde politique.

Sur cet épisode je vous conseille le blog d'un avocat, Maître Eolas, qui a largement décrit et commenté cet épisode à la fois sombre et grotesque de notre vie politique.

Tout n'est pas perdu

Les idées subversives font leur petit bonhomme de chemin, et maintenant même Microsoft commence à publier sous licence Creative Commons avec une première spécification pour Simple Sharing Extensions for RSS and OPML.

Espérons qu'ils ne s'arrêteront pas là.

Un peu d'humour dans ce monde de brute

Ces dessins à l'humour noir donnent assez bien la mesure de l'enjeu du DADVSI (oeuvres de LL de Mars, sous licence Art libre - site de l'Auteur):

• Rafle
• Alphabet
• Berceuse

Et réécoutez la présentation de Larry Lessig sur la "Free Culture". Il faut réagir...

Welcome to the real world!

Les auteurs de science-fiction ont abondamment décrit un futur sombre où un petit groupe de rebelles incarne ce qui reste d'espace de liberté à une humanité exploitée, surveillée, bridée dans ses élans créatifs et culturels, où le simple partage d'une idée ou d'une oeuvre devient un crime.

Qu'il soit dominé par un Gouvernement, des MegaCorps ou des Machines, de 1984 à Matrix en passant par tout le mouvement CyberPunk, ce thème visionnaire aurait dû nous immuniser contre la tentation de suivre cette pente fatale.

Hélas il n'en est rien : la mécanique implacable des lobbys nous rapproche chaque jour un peu plus des ténèbres. Et cette fois-ci la bataille ne se livre pas aux USA mais chez nous, en France, le pays de la fameuse exception culturelle.

Le projet de loi Droits d'Auteurs et Droits Voisins dans la Société de l'Information (DADVSI) est l'occasion de voir notre microcosme politique français sous son jour le plus médiocre. Non contents d'avoir fomenté un projet inique sans autre souci que de complaire à un lobby, nos hommes politiques font assaut d'amendements où le copinage (amendement dit "Johnny Hallyday") le dispute à la corruption (amendement dit "VU").

La France se retrouve à discuter de la loi la plus restrictive du monde, en particulier sur les Mesures Techniques de Protection (voir mon blog précédent). Et encore si on pouvait en discuter ça serait beau, mais bien sûr les lobbys ne peuvent pas prendre ce risque et font donc voter cette loi juste avant Noël, sans aucun espoir de véritable débat de société.

Dans la compétition à satisfaire le plus possible les lobbys, l'UMP et l'UDF ont réussi à se mettre d'accord pour déposer les amendements qui empirent le projet de loi. Il faut reconnaître que le PS a déposé le plus d'amendements qui essayent de réorienter la loi dans la bonne direction pour autant que ce soit possible ; au moins au PS ils ont réfléchit au sujet en toute indépendance.

N'hésitez pas à signer la pétition pour le retrait de ce projet de loi. Et pour plus d'informations consultez abondamment EUCD.INFO, Framasoft, et l'interassociation des bibliothécaires.