Bonsoiiiiiiiiiiir !
La lune gibbeuse éclaire d'une lumière blafarde une ombre fuligine qui sort sans bruit d'un cercueil à demi enterré : serait-ce Bela Lugosi dans le Retour du Vampire ? ou Boris Karloff dans le Fils de Frankenstein ? Quel est donc ce spectre sombre, dont les coutures mal cicatrisées et la démarche claudicante seraient les signes les plus tangibles d'une origine inavouable, issue sans doute d'un travail d'officine puis d'un rafistolage de bas étage et de bas morceaux, s'il n'était précédé de l'odeur pestilentielle du lobbying aveugle et de la perpétration sur ordres ?
Il ne s'agit pas d'un film pour enfants, mais bien d'un film d'horreur : Hadopi 2, ou le Retour d'Hadopi, ou le Fils de DADVSI, bref la suite de moins en moins présentable de la loi concoctée par l'Ed Wood de la législation culturelle, j'ai nommé Christine Albanorwell ! Et même si dans ce remake, une doublure a endossé le rôle de ministre de la culture, il n'est en rien à l'origine du texte, mais comme dans tous les films de série B sur la mafia nous l'ont appris, il doit démontrer sa loyauté au parrain en commettant un crime qui le compromettra lui aussi.
Mais la musique étant au coeur de ce mélodrame que l'on joue dans l'hémicycle pendant les vacances, l'association d'Ed Wood à la musique m'amène irrésistiblement au Rocky Horror Picture Show. Plusieurs indices nous amènent à conclure que ce filme culte était prémonitoire.
Tout d'abord le nom même du héros, Brad Majors, est indubitablement un clin d'oeil aux Majors de l'industrie musicale qui font un lobbying intense pour réussir à faire voter quelque part une loi de type Hadopi. Ensuite le morceau d'ouverture pendant le générique s'intitule Science Fiction Double Feature, ce qui ne peut manquer d'évoquer Hadopi 1 et 2 dont l'application technique relève de la science fiction.
Un des airs les plus connus est celui du Time Warp dont le thème nous rappelle qu'Hadopi2 nous renvoie quelques siècles en arrière, avant 1789 et la liberté d'imprimer comme je l'ai déjà exposé, mais la petite danse associée (It's just a step to the left...) n'est pas sans rappeler les contorsions du petit rapporteur Riester pour contourner la décision du conseil constitutionnel.
Je trouve particulièrement savoureux que la créature créée par Frank-N-Furter chante Sword of Damoclès, qui nous rappelle à la fois l'épée de Damoclès suspendue au dessus de chaque accès internet par Hadopi2, mais aussi l'épée que le Conseil Constitutionnel tient au dessus des parties intimes de la loi et de ses promoteurs.
Je passe rapidement sur les autres séquences, que les fans du RHPS me pardonnent pour arriver en apothéose à la séquence du Floor Show qui prévoit quasiment mot pour mot le programme de Nicolas Sarkozy :
- Rose Tint My World : autrement dit le "choc de confiance"
- Don't Dream It, Be It : ou Johnny (et Universal) a rêvé de Hadopi et Nicolas l'a fait
- I'm a Wild and Untamed Thing : ou je ne vais pas me laisser intimider par ces vieux croutons du conseil constitutionnels, et je vais leur balancer Hadopi2 dans les dentiers
Mais je voudrais terminer par un argument plus sérieux. Le film The Rocky Horror Picture Show a fait un flop a sa sortie en 1975, et n'a commencé sa carrière underground qu'à partir de sa projection aux séances de minuit à la fin des années 70. Les spectateurs arrivaient aux séances en costumes, jouaient dans la salle les scènes du film, et ils avaient même complété les dialogues avec des répliques qui étaient données par toute la salle. Longtemps avant le téléchargement, les fans du RHPS créaient à chaque séance un produit dérivé, un mashup, un User Generated Content, quelque chose en contravention avec toutes les lois sur le copyright et les droits d'auteurs (puisqu'il n'avaient acquis ni les droits de représentation ni les droits d'adaptation de l'oeuvre). Pourtant ces premier pirates ont fait le succès du film, qui est resté pendant 30 ans à l'affiche, et qui a rapporté plus de 130 millions de dollars alors qu'il n'en avait coûté que 1,2.
Si elle avait été rédigée en 1976 la loi Hadopi aurait certainement interdit de cinéma les fans du RHPS qui venaient déguisés jouer les scènes et ajouter des répliques. Et plus personne ne se souviendrait aujourd'hui du RHPS qui n'aurait jamais remboursé les 1,2 millions qu'il avait couté.
Quel est l'équivalent du RHPS en 2009 à l'heure d'Internet ? Je ne sais pas... mais je sais que la création sur Internet passe par le téléchargement, l'échange, le sampling, le mashup. Hadopi ne peut donc qu'étouffer la création, rien d'autre.